La rémunération des praticiens hospitaliers est-elle un frein au recrutement des médecins ?
Avant tout, il convient de remettre les choses dans leur contexte en rappelant le statut d’un praticien hospitalier.
Les PH sont des agents publics sous statut exerçant dans des établissements publics de santé (EPS), hôpitaux ou EHPAD. Parmi eux on comprend les médecins, les pharmaciens, les chirurgiens-dentistes occupant un poste à temps plein ou à temps partiel dans le secteur public. L’obtention du statut est accordée lors du concours national (CNPH) ayant lieu une fois par an. Seuls les titulaires d’un diplôme reconnu dans le milieu médical et d’une inscription au tableau de l’ordre peuvent participer à ce concours.
Suite à cela, le diplômé pourra répondre aux offres d’emploi établies par le centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière, correspondant aux besoins de directeurs d’établissement et conjointement de l’avis du directeur de l’agence régionale de santé rattachée.
Combien gagne un praticien hospitalier ?
Un praticien hospitalier est rémunéré sur la base des émoluments applicables à son statut. Il bénéficie d’avancement en grimpant les échelons de par son ancienneté. En début de carrière, les jeunes médecins à temps plein peuvent prétendre à un salaire de 3 815 euros mensuels. Ils verront leur rémunération doubler en atteignant le treizième échelon, soit 6 629 euros par mois avant de partir à la retraite.
Dans le cadre de leurs obligations de service, les médecins soumis au travail de nuit, les week-ends et jours fériés bénéficient d’indemnités de sujétions, correspondant au temps de travail accompli d’un montant de 250 euros la garde de nuit. Quant aux TTA (Temps de Travail Additionnel) effectués, les praticiens recevront une indemnité de 473 euros la journée de temps additionnel.
Malgré ces mesures compensatoires, nombreux sont les PH considérant n’être pas suffisamment payés pour le travail fourni. Des tâches administratives pouvant aller jusqu’à plus de 15 heures de travail sur une semaine déjà chargée, sont l’une des conséquences de cette insatisfaction relevée dans une récente enquête de Medscape. Mais la raison principale viendrait des inégalités entre les différents professionnels de santé.
Des écarts de salaire préoccupants
En effet, en premier lieu, on peut remarquer une différence de salaire entre les praticiens hospitaliers et ceux contractuels, provoquant de nombreux mécontentements. Pour pallier les places vacantes, les directeurs d’établissement de santé font bien souvent appel à des médecins intérimaires. Cependant, depuis le 1er janvier 2018, un décret encadre leur revenu avec un plafonnement dégressif jusqu’en 2020. Le plafond qui était fixé à 1 404,05 euros brut maximum pour une journée de travail en 2018, atteindra les 1 170,04 euros l’année prochaine.
Pour rester dans le sujet, une étude de la Drees (direction de la recherche des études de l’évaluation et des statistiques), en juillet 2016, révèle également un écart de rémunération entre le secteur public et privé. 57 600 euros par an dans un établissement public contre 52 000 euros par an dans une structure privée. Un décalage associé à la pratique libérale majoritairement exercée dans les cliniques tandis qu’on décompte une activité publique de 93 % dans les hôpitaux. Pourtant, 40 % des médecins hospitaliers lors de l’étude Medscape déclarent un revenu inférieur aux libéraux.
Ces inégalités sont également observées en fonction de l’âge des professionnels de santé. La Drees constate qu’un salarié hospitalier en début de carrière de moins de 30 ans perçoit 25 760 euros contre 43 130 euros s’il avait eu entre 30 et 39 ans. Un écart plus conséquent pour les personnels les plus qualifiés que pour les autres employés de l’hôpital.
Des différences salariales persistantes et toujours visibles entre les hommes et les femmes avec un écart de 20,6 %. Ce problème, d’après l’Insee viendrait de la répartition des femmes sur des postes moins qualifiés que d’autres. À savoir que 77 % des postes hospitaliers sont occupés par des femmes, mais seulement 48 % sont médecins.
Un recrutement en hausse
Sur le marché de l’emploi, ces inégalités salariales ne semblent pas faire foi, puisque notre pays souffre d’une pénurie médicale notable. Pourtant, on dénombre environ deux millions de professionnels de santé exerçant en France.
Bien que le rapport d’activité de 2017 par le centre national de gestion (CNG) démontre une hausse de 1,5 % en janvier 2018 par rapport à l’année précédente, le recrutement demeure difficile et les offres à pourvoir se multiplient. Le taux important de la moyenne nationale de 27,4 % de places vacantes statuaires en est la cause et ne cesse de progresser. 47 % postes vacants à temps partiel, soit un poste sur deux en attente de remplacement. Certaines disciplines sont plus touchées que d’autres telles que la radiologie, l’imagerie médicale, la psychiatrie, la médecine générale. A contrario, les moins affectés travaillent dans le secteur de la biologie et de la pharmacie.
Ce constat est d’autant plus grave, selon les régions. En France métropolitaine, la Normandie remporte tristement la palme avec 64,6 % de temps partiel vacants et 34,9 % à temps complet. Cette zone est suivie de près par le Centre-val-de-Loire avec 33,7 %, la Bourgogne-Franche-Comté avec 32,8 %. Les DOM-COM sont aussi durement touchés, avec en tête de liste 77,8 % à Saint-Pierre-et-Miquelon et 58,7 % en Guyane française. L’Ile-de-France et la région PACA sont celles qui s’en sortent le mieux, avec respectivement 22,5 % et 20,1 % de postes vacants.
À tort ou à raison, cette pénurie provoque un recours au recrutement de praticien contractuel, montré du doigt par la réforme d’Agnès Buzyn. Action gouvernementale qui espère lutter durablement contre l’intervention d’intérimaire dans les hôpitaux. Ainsi, si on se réfère seulement aux volontés du ministère de la santé, on pourrait considérer alors que le frein au recrutement des praticiens hospitaliers n’est pas leur rémunération, mais peut-être celle des praticiens intérimaires. Cependant, cette fonction demeure indispensable puisqu’il faut assurer les soins lors des congés et des temps de formation des titulaires absents.
Toutefois, que les deux corps de métier se rassurent à propos de ce décret, car la demande reste forte et n’est pas près de décroître tant que cette pénurie médicale sera d’actualité.
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