Médecin roumain incompétent : d’où vient la croyance ?

24 novembre 2021 | Médecin généraliste

En France, particulièrement en Île-de-France, un terme revient souvent dans le domaine de la santé : la désertification médicale. Pour panser cette plaie grandissante, le recrutement de médecins hors hexagone, notamment roumains est en recrudescence. Mais ils ne bénéficient pas d’une belle réputation : les médecins roumains seraient incompétents. D’où nous vient cette croyance ?

Que dit la réglementation

La Roumanie fait partie des 28 États membres de l’Union européenne, elle est donc concernée par la directive 2005/36/CE. Celle-ci concerne la reconnaissance des qualifications professionnelles, et confirme le droit d’exercer une profession dans un état membre de l’UE, à condition que les diplômes aient été obtenus dans un de ces pays. En clair, cette directive permet donc « La libre circulation et la reconnaissance mutuelle des titres de formation de médecin ».

Il est attendu de la part du médecin souhaitant exercer d’être titulaire d’un certificat de conformité européen pour exercer sur le territoire puis de l’inscription au tableau de l’ordre des médecins, le CDOM, conformément à la réglementation en vigueur. C’est ce dernier qui sera chargé de vérifier l’authenticité des diplômes. D’un point de vue administratif, le médecin roumain ayant contracté son diplôme en Roumanie n’est donc pas incompétent. Il est totalement apte à l’exercice de la fonction sur le territoire français.

De la compétence à la formation

La compétence et la reconnaissance de celle-ci visent à garantir le savoir-faire, des connaissances cliniques à la pratique. La délivrance d’une formation ne remet pas forcément en doute le niveau de compétence, mais plutôt le savoir-être. On est plus dans ce cas, à transmettre au sujet concerné les clés pour mettre en œuvre ses connaissances, au service du secteur demandeur. Les habitudes professionnelles, qui pour l’accueillant à force de pratique peuvent sembler évidentes, peuvent paraître un vrai casse-tête pour le nouvel arrivant. On parlera alors plus de systèmes d’intégration qui a pour but d’occulter les barrières qui entravent la bonne mise en pratique professionnelle. Il peut s’agir de barrières culturelles, de la langue ou de méthodes de travail de type organisationnelle spécifique au milieu hospitalier par exemple. 

Soulever un questionnement sur l’incompétence du médecin roumain, a mis simplement en évidence l’existence d’un problème, car ses compétences ont déjà été évaluées par des instances officielles. Un changement de pays sous-entend forcément que des efforts d’adaptabilités vont être demandés, aussi bien pour celui qui arrive que pour celui qui accueille. L’intérêt est d’optimiser des acquis professionnels pour le mettre efficacement au service du soigné.

L’offre attractive d’études de médecine en Roumanie

Si un sentiment de méfiance persiste pour le recrutement de médecins roumains dans la population générale, un nombre croissant d’étudiants français choisissent de partir se former à la médecine en Roumanie. En effet, la langue française y est une langue officielle d’enseignement. Bien que la connaissance du roumain soit importante, des études de médecine en français sont dispensées dans plusieurs universités, notamment à Cluj-Napoca, Iasi, Timisoara et Arad. 

L’erreur fondamentale de nos préjugés consiste à croire que la Roumanie est un lointain pays isolé. En réalité, la Roumanie a toujours été un véritable carrefour multiculturel et sa population actuelle est un mélange d’origines locales, italiennes, hongroises, slaves, allemandes et même françaises. S’il est vrai que le pays a du mal à se remettre de son époque communiste et souffre encore d’un certain degré de pauvreté, il investit néanmoins dans l’éducation. Ainsi, les études de médecine y sont subsidiées par l’État, ce qui y en porte le prix à environ 5 000 euros au lieu de 45 000. 

Ces études en question sont organisées en deux cycles de 3 années pour la médecine générale. Ensuite, l’étudiant a le choix entre le travail ou la spécialisation, qui peut lui prendre encore 3 à 6 années d’études, en fonction du domaine choisi. Le niveau est comparable à celui des études en France ou en Belgique, et le prix n’étant pas trop élevé, nombreux sont les étudiants étrangers choisissant la Roumanie. Il ne s’agit pas uniquement des francophones, car les cours de médecine y sont également dispensés en langue anglaise. 

Quelques chiffres sont tout à fait éloquents : en Belgique, les médecins roumains sont les plus nombreux parmi les étrangers hors pays limitrophes. Ceux-ci y sont les bienvenus, car ils permettent au pays de combler certains vides médicaux dans des régions défavorisées, et l’État y gagne, car il n’aura pas eu besoin de financer leurs longues études. 

Une porte d’entrée par les déserts médicaux, et par les grands centres hospitaliers

De nombreuses régions en France sont défavorisées en termes d’accès aux soins médicaux. Ce sont souvent de petits villages plus ou moins isolés, avec une population vieillissante et nécessitant plus de soins, mais sans cadre de vie « attractif » pour de jeunes médecins ambitieux. Absence de pharmacie proche, distance importante avec les services médicaux d’urgence, accessibilité limitée à la médecine générale… ces régions sont appelées déserts médicaux, et en 2020 ils étaient peuplés de 360 000 habitants. 

Les médecins d’origine étrangère, en particulier roumains, s’installent souvent dans les communes rurales, où ils trouvent des places libres et une population bien contente d’avoir enfin accès à de la médecine générale. Venant d’un pays où le français reste une langue culturelle importante, ils n’éprouvent que peu de difficultés à s’adapter à leur patientèle. Néanmoins, le recrutement de médecins roumains est également très intensif dans les grands centres hospitaliers d’Île-de-France et du Nord de la France, où il concerne majoritairement des spécialistes, souvent des internes qui bénéficieront ainsi d’une pratique sur le terrain en France. Ce n’est donc pas juste une question de nécessité, mais aussi une question de reconnaissance des qualités par les acteurs majeurs de la santé en France.   

Tout à fait compétents et adaptés aux besoins du marché français, les médecins roumains peuvent être recrutés sans aucune appréhension. Si certaines barrières culturelles peuvent poser problème au début de leur pratique, celles-ci auront tôt fait de disparaître. En réalité, le recrutement de médecins roumains en France, ou en Belgique, est bien plus profitable à nos pays qu’à leur pays d’origine. Il s’agit là du phénomène de la fuite des cerveaux. Déçus par les conditions socio-économiques à la traîne en Roumanie, de nombreux jeunes diplômés préfèrent s’installer à l’étranger afin d’y trouver non seulement une meilleure rémunération, mais aussi un cadre de vie plus confortable. Pire, l’État roumain y perd, car il a financé les études de ces médecins, pour les voir partir et faire profiter d’autres pays de leurs compétences.

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